Sur l’éternel rapport ambiguë de l’architecture à la nature et à l’histoire

Le fonctionnalisme du 20ème siècle avait une grande portée historique, mais a aussi rendu nos villes insipides et monotones.
La cause est la conjonction des priorités économiques et la suprématie de la pensée fonctionnaliste.
Cette convergence a en effet conduit progressivement à la médiocrité.
La simplicité formelle étant soutenue au final avant tout par la rationalité économique.

Chaque standardisation fait progresser la civilisation, mais apporte aussi son lot de destruction culturelle de spécificités qu’elle rejette.

Les courants d’architecture suivants, le post-modernisme et le courant déconstructiviste, n’ont pas résolus les problèmes induits par le modernisme.

Le post-modernisme est un retour vers la passé et négation de l’architecture moderne, là où le déconstructivisme se noyait dans les débats intellectuels et réalisation de formes sensationnelles.

Le post-modernisme menait un combat autour de la forme en critiquant l’uniformisation du modernisme.
Refusant l’homogénéisation des constructions fonctionnelles, il regardait cependant vers le passé.

Le déconctructivisme était une réaction inverse, la logique derridienne de démantèlement de la culture occidentale. Surtout en théorie.
En pratique, le courant apporte une architecture spectaculaire, grandiloquente, de bâtiments-objets parfois  arrogants. Avec comme toujours quelques oeuvres remarquables de talents rares (Libeskind, Koolhaas).

Encore actuellement, un peu partout sur la planète, la construction qui ressemblent plus à un objet géant fabriqué en origami est considérée comme un must de modernité architecturale. Ne s’agit-il pas aussi de la volonté des commanditaires et des auteurs de se distinguer à n’importe quel prix? S’agit-il de flatter l’ego ou de respecter le bien être des futures occupants?

Au centre émerge l’éternelle courant vernaculaire, une sorte de retour naïf aux sources. « L’architecture cabane et paille », courant infantilisant ou résolument antiprogressiste.

Les théories s’affrontaient sur la ligne qui relie deux pôles allant du hight-tech à la propension à l’archaïsme.

Nous en sommes encore là, en ce début du 21ème siècle. Ou de nouveau là.

La globalisation actuelle, l’intégration des nouvelles technologies de conception et de fabrication est une nouvelle étape de la standardisation uniforme du goût.
Mais, c’est aussi en même temps une formidable source d’émergence d’une nouvelle façon de penser l’architecture.
L’enrichissement par les cultures locales mondiales et la rapidité de la circulation des images sur la planète créent ce double phénomène contradictoire.
Comme toujours, nous pouvons voir le verre à moitié plein ou à moitié vide.

Nous pouvons toujours observer la production des constructions spectacles au goût universel et mondial.
Construire ‘le plus grand et le plus haut’ et parfois le plus clinquant semble être le concept central.
C’est évidemment aussi le retour vers la cabane en matériaux de récupération pour les constructions des ‘biennales conceptuelles’ dédiées surtout à la presse.
Sans oublier le retour vers le passé pastiche, par exemple dans le courant des « vaisseaux néo-baroques » copiant sans relâche le premier modèle du vaisseau de Zaha Hadid.
Ajoutons à cela l’intégration de la technologie numérique et le concept de bâtiment ou ville intelligente et les réflexion autour des ‘smart buildings’ et ‘smart city’. Le fait est que la nouvelle tendance technophile de l’architecture est désormais plus dans les mains des Gafam que des urbanistes et des architectes.

La véritable réflexion sur la nature de l’architecture créatrice d’émotion, du bien-être, respectueuse du contexte humain, local et de la nature est encore rare.

equilibreCette difficile quête de l’équilibre et de modération transcende toutes les activités humaines. Elle n’est pas uniquement un sujet de l’architecture. Il s’agit de la recherche permanente du chemin étroit entre l’excès, l’extrême et le besoin de rester en mouvement en adoptant le progrès de manière attentive.

A ce titre, il est intéressant d’observer l’architecture nippone.

C’est là qu’on pouvait depuis longtemps constater l’héritage du modernisme propulsé vers de nouvelles dimensions. Cette architecture sous la contrainte d’espace limité a toujours rejeté, presque par nécessité, le superflu.
Une esthétique de simplicité s’inscrit par ailleurs dans la culture nipponne.

White concrete wall

Mais également, l’architecture nipponne a un autre rapport à la nature et à l’histoire.
Les japonais maintenaient un rapport plus harmonieux avec l’extérieur dans leur habitat traditionnel.
Les architectes japonais  ont toujours essayé de faire ‘rentrer la nature’ à l’intérieur.
En occident, la nature a été considérée d’abord comme un élément hostile, dont il fallait se protéger. La maison était une ‘peau de protection’ devant les éléments naturels.
Plus tard, avec notre progrès scientifique, la nature devient un élément qu’il fallait soumettre à la domination de la raison humaine.
Depuis Vitruve, l’architecture occidentale a été associée à la raison, en opposition à la nature sauvage.
Nombreux architectes nippons, malgré la densité urbaine tentent d’intégrer les éléments naturels dans la construction des espaces. En réalité, sans pouvoir  accéder à des grands espaces verts dans le tissu urbain local.

La longue recherche de l’architecte Tadao Ando en est un bon exemple.

Quelle réflexion rigoureuse autour des éléments naturels. La lumière, le vent, l’eau, la nature traitée en harmonie avec les activités humaines quotidiennes.
L’idée centrale d’Ando est que l’architecture doit construire un espace unique pour l’homme, tout en conservant une relation harmonieuse avec la nature.

Sans doute, l’architecture devrait devenir un terrain de rencontre de l’homme et des éléments de la nature. Sans fusionner, sans rejeter, ni dominer. Tout l’enjeu sera la refondation des espaces subtiles pour les activités humaines qui existent et vont exister demain.

 

à lire : L’architecture des sens
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